mardi 25 septembre 2012

Ce sera celui-là




Tout ça parce que j’avais envie de leur faire plaisir. 

Quand j’ai lu l’annonce, je me suis dit que ce serait celui-là, notre futur chien. Alors, j’ai téléphoné, pour avoir un rendez-vous le soir même. Comme c’était une surprise, je n’ai voulu en parler à personne, pas même à mon mari. 

Après le travail, pleine d’enthousiasme, je me rends chez ce vieux couple, installé dans une ancienne cité minière. 40, 42, 44... Nous y voilà. 

J’avance et me gare dans l’avancée de cailloux, sur la droite de la maison. Comme j’entends du bruit dans le fond de l’allée, côté jardin, je ne prends pas la peine d’aller sonner devant, et je me dirige vers ces voix que j’entends mais ne comprends pas. En même temps que je découvre la terrasse, je me dis que c’est bien le dernier endroit où j’irais adopter un chien... Mais c’est trop tard ; je suis là, alors voyons-le vite et finissons-en. 

La cour ressemble à un entrepôt où sont stockées d’innombrables cages. Mais elles ne sont pas vides. A l’intérieur, des animaux recroquevillés et tellement mal en point qu’on ne saurait pas dire si ce sont des chats ou des chiens. Au sol, des dizaines de traces sombres, des éclaboussures, de la crasse ? En fait, c’est assez difficile à identifier. 

Je suis en train de m’approcher d’une forme étrange et immobile, que je n’arrive pas bien à distinguer, quand j’entends un « Bonjour ! » à quelques centimètres de moi. Je me présente à cette femme, dont la laideur en est presque effrayante. Son mari ne tarde pas à nous rejoindre, il n’a rien de sécurisant lui non plus... 

J’ai besoin de me rassurer, alors même si c’est faux, je dis à mes hôtes que mon mari risque d’appeler bientôt sur leur téléphone fixe, pour savoir si le chien me plaît. Mes tendances paranoïaques me gagnent et je veux que ces gens sachent que d’autres personnes sont au courant de ma venue ici. 

Comme mes yeux se posent sans cesse sur cette forme que j’avais remarquée au départ, la dame finit par me dire « Z’inquietez pas pour celui-là d’chat, y’est mort ». Elle s’avance, le saisit, le plie littéralement en deux et le jette dans une poubelle, à côté des cages. 
La panique me gagne. « Je peux voir le chien ? » Je ne rajoute pas « qu’on en finisse », mais ça me brûle les lèvres. 

Elle sourit de toutes ses dents -ou presque, car il en manque un certain nombre- et dit à son mari « Tu ramènes la bête ? » Je le vois s’engouffrer en boitant dans ce taudis dont je n’ose imaginer l’intérieur. Les secondes, puis les minutes, s’écoulent, le temps est long. Je regarde la propriétaire des lieux arracher, à mains nues, des ronces qui encombrent une partie du mur extérieur de la maison. En même temps, mon cerveau fait des acrobaties pour trouver un moyen de me défiler... 

Si la force de sa voix est la première à me surprendre, le contenu de ses paroles finissent de m’achever : pendant que la vieille dame me saisit la main fermement, et me tire vers l’intérieur, j’entends son mari répéter d’une voix perçante et mécanique : 
« Madaaaaame, vous venez ? C’est votre mari au téléphone!»